Les carmélites de Compiègne

Les carmélites de Compiègne sont seize religieuses carmélites condamnées à mort en juillet 1794 par le Tribunal révolutionnaire pour motif de « fanatisme et de sédition ». Arrêtées et condamnées sous la période de la Terreur, elles avaient, deux ans auparavant, fait le vœu de donner leur vie pour « apaiser la colère de Dieu et que cette divine paix que son cher Fils était venu apporter au monde fût rendue à l’Église et à l’État ». Leur mort paisible sur l’échafaud impressionna les foules. Elles ont été béatifiées en 1906.
Leur vie et leur arrestation ont inspiré le Dialogue des carmélites de Georges Bernanos.
Le 10 juin 1794, une nouvelle législation répressive (la « loi du 22 prairial ») est mise en place. Cette loi modifie le fonctionnement du Tribunal révolutionnaire de Paris, notamment en supprimant plusieurs des garanties des accusés (dont ceux d’appeler des témoins pour la défense si le jury s’estime suffisamment éclairé par des preuves écrites, ou de nommer un défenseur officieux) et en éliminant la possibilité de rendre d’autre verdict que la condamnation à mort ou l’acquittement. La loi du 22 prairial est généralement rendue responsable de la forte augmentation du nombre des condamnations entre sa première application et le 9 thermidor. D’autres facteurs peuvent aussi être invoquées, telles que des conflits internes au gouvernement révolutionnaire et la suppression des tribunaux d’exception des départements, décrété le 8 mai 1794. Les raisons de l’adoption de cette loi et de son application et les abus qu’elle a entraînés restent sujets aux controverses historiographiques. Durant quarante-sept jours, il y aura autant de condamnés à mort que durant les quatorze mois précédents. Pierre-Gaspard Chaumette, membre actif de la Terreur, dira même, en parlant de la guillotine : « Montagne sainte, devenez un volcan dont les laves dévorent nos ennemis ! Plus de quartier, plus de miséricorde aux traîtres ! Jetons entre eux et nous la barrière de l’éternité ! »
En mai 1794, la ville de Compiègne était en proie aux accusations de « modérantisme ». Afin de détourner les soupçons, les autorités locales ont inventé un « complot fanatique » ayant pour auteurs les religieuses du Carmel. Un ordre de perquisition est signé le 21 juin 1794 ; il est promptement exécuté dans les maisons occupées par les religieuses.
Les seize carmélites présentes à Compiègne sont arrêtées les 22 et 23 juin 1794 et incarcérées à l’ancien couvent de la Visitation, transformé en prison. La supérieure, Mère Thérèse de Saint-Augustin, était en déplacement à Paris du 13 au 21 juin, et revient donc « juste à temps ». Quelques écrits et objets compromettants, trouvés lors de la perquisition, justifient leur arrestation.
Bien que l’apogée du mouvement déchristianisateur soit déjà passé, les ordres religieux demeurent une cible de la répression. Ainsi à Arras, le 26 juin, quatre religieuses des Filles de la Charité sont exécutées et, en juillet, ce sont trente-deux religieuses (ursulines, sacramentaires et bernardines), ainsi que trente prêtres qui sont guillotinés.
Le 12 juillet 1794, les seize carmélites sont transférées de Compiègne à la Conciergerie à Paris, où elles sont jugées le 17 juillet, pendant la période que l’historiographie désigne traditionnellement comme la "Grande Terreur". Les carmélites, juste avant leur transfert, remettent leurs robes blanches de carmélites, et c’est en tenue de religieuses qu’elles arrivent à Paris.
Elles sont guillotinées le 17 juillet 1794, à la barrière de Vincennes, sur la place du Trône-Renversé (ancienne place du Trône, dénommée ainsi depuis 1792, actuellement place de la Nation).
Les seize religieuses, conduites par leur supérieure, Mère Thérèse de Saint-Augustin, quittent la prison vers 18 heures et prennent le chemin de la guillotine en chantant des cantiques tout au long du parcours. Vêtues de leurs manteaux blancs de religieuses, elles descendent des charrettes, puis se mettent à genoux et entonnent le Te Deum, prononcent le renouvellement de leurs vœux et chantent le Veni Creator. À 20 heures, les assistants du bourreau Charles-Henri Sanson viennent chercher la première, qui est aussi la plus jeune, sœur Constance de Jésus, une novice. Elle fait une génuflexion devant la mère supérieure pour lui demander la permission de mourir. En montant les marches de l’échafaud, elle entonne le Laudate Dominum.
Les quinze autres carmélites sont exécutées ensuite. Sœur Marie-Henriette de la Providence, l’infirmière, est l’avant-dernière ; la mère supérieure, Mère Thérèse de Saint-Augustin, passe en dernier. Les chants des religieuses, durant leur parcours jusqu’à la guillotine, puis gravissant l’échafaud, impressionnent fortement la foule qui assiste en silence au transfert des religieuses et à leur exécution. « On ne saurait croire l’impression de respect que commandait le dévouement de ces généreuses victimes ; toutes soupiraient après le moment de leur sacrifice, toutes s’exhortaient a rester fermes et généreuses dans le dernier combat... ; elles avaient l’air d’aller à leurs noces. » (témoignage d’un employé de la prison).
Leurs corps et leurs têtes sont jetés de nuit dans l’une des deux fosses communes du cimetière de Picpus. Les dépouilles se trouvent encore dans le jardin des religieuses.